Categories:> Le roman d'un instant

Le rire est la parole du muet

Famille Josée Val : Pierre, Jeannot, Paule
Soleilhavoup, commune de Naves, Corrèze, 1965

C’était la cueillette des champignons dans la forêt sombre qui bordait la maison de Josée Val.
Des Cèpes plein les cageots, ramassés par Roland, Pierre, Jeannot, et Paulette, la grande sœur. Ils étaient ses quatre enfants : C’est ma vie, disait elle. La forêt en automne abondait de champignons au parfum de terre, de châtaignes dans leur bogue tombée que l’on appelait autrefois l’arbre à pain, de noisetier coudrier, source d’histoire magique, de chêne centenaire, de noyer à grosse coque la noix de Corrèze, dont le brou se déguste après le repas.
Le frère de Josée, Etienne, suspendait au dessus de l’âtre, les noix en coque dans un grand sac de jute. La fumée s’infiltrait. Quelques jours après, la noix avait le goût de la fumée.
Josée faisait la brioche pur beurre et la patte feuilletée la meilleure, comme personne ailleurs.
Les gamins sont arrivés tous les trois par le petit chemin. Pierre qui ne parlait pas tenait le cageot empli de Cèpes et de Bolets, posés délicatement sur un lit de fougères, cueillis le matin sous le regard vigilant de sa soeur Paule, qui elle parlait. Roland à droite, avait enlevé son chapeau pour l’instant. Il ne parlait pas. Au milieu, Jeannot l’aîné le plus petit parlait.
Il m’avait dit un soir dans la petite ferme Corrézienne à la grande tablée où nous dinions avec mon Père, à la cheminée de conte de fées chaude du feu qui crépitait : “Tu as les yeux noirs comme du charbon. Ils brillent.” Nous avions tous bien ri. Je l’avais compris.