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Mon Père

Robert Alfred Portal, inventeur, ingénieur, artiste
Vernoil-le-Fourrier, printemps 1971

C’était une joie de revoir mon Père, au milieu de son univers. Des chats autour de lui, un gros chien jaune à ses pieds, un jardin en friche. Des roses au parfum sucré sur le mur de la maison, les roses du pays de Loire. Les seules roses aujourd’hui ayant encore un parfum suave et enivrant, dans lequel on voudrait s’endormir. Les roses des pays lointains ne sentent rien, ne durent qu’un jour ou deux, ne s’ouvrent pas, et sans odeur on ne peut les regretter.
Il avait mis son beau costume gris clair et sa cravate à rayures. Il était fier de montrer le jardin, même en son état nature, avec le cerisier vert après les cerises.
Nous avions fait le tour des coins, et je cherchais l’endroit idéal pour le photographier.
Ce fut une succession d’instants ensoleillés, sérieux pour la pose, et souriant à la fois.
Debout avec le chien, devant les roses, devant une échelle, accroupi avec le chien, debout simplement les bras le long du corps. Devant la maison côté rue, de loin, de près, entre les deux fenêtres de son bureau. Puis retour au jardin, le dos appuyé contre l’échelle posée contre le tronc, de près, et le profil de son nez légèrement aquilin.
J’aurais aimé tout garder de mon Père comme si l’abondance des prises de vue suffisait à retenir la fuite du temps.